Nous avons adressé ce courrier aux art-thérapeutes diplômés des Pinceaux
jeudi 26 mars 2020 - 11ème jour du confinement
Bonjour à tous,
Nous espérons que vous allez bien et que vous prenez bien soin de vous et des vôtres. Dans cette période étrange assurer la continuité d'un accompagnement art-thérapeutique devient très difficile... mais pas toujours impossible.
Nous aimerions connaître les petites (ou grandes) actions que les art-thérapeutes ou animateurs d'ateliers d'expression, s'étayant sur leur créativité à toute épreuve, tentent de mettre en place sur le terrain, dans les secteurs de la prévention, l'accompagnement et le soin. Merci beaucoup de vos réponses !
Aux Pinceaux on se porte bien, on s'efforce d'assurer la continuité du travail qui nous tient tant à cœur.
Amitiés à tous, Patricia Riverti et l'équipe des Pinceaux
Et voilà les réponses !
Caroline Schumer, art-thérapeute en Hôpital de jour à Amiens.
Je continue à travailler tous les jours à l’hôpital de jour car celui-ci n’a pas fermé. En revanche les effectifs ont considérablement diminué, car les psychiatres font une sélection selon les antécédents médicaux et l’âge des patients
La prise en charge se fait donc individuellement ; je teste donc les ateliers artherapeutiques individuels pour 5 ou 6 patients ! Cela change des 3 groupes de 10 patients par jour. C’est une toute autre démarche, je remarque que certaines personnes sont plus à l’aise dans la plastique sans le groupe et se confient plus intimement.
En plus de l’art thérapie individuelle, à l’Hôpital de jour, s’ajoutent deux nouvelles initiatives :
- Depuis quelques mois j’avais entamé à la clinique avec certains patients un travail autour de l’écriture, en effet certains patients particulièrement résistants à la plastique, presque terrorisés à l’idée de prendre une craie, un pinceau ou un crayon m’ont confié que cela les angoissait totalement ; d’autant plus que la politique de l’hôpital de jour est d’imposer l’atelier arthérapeutique à chaque patient, cela fait partie de leur projet personnel de soin.
Donc, pour certains de ces patients j’avais mis à disposition des revues d’art ou livres d’art, et puis très vite je leur ai proposé de décrire par écrit les émotions que cela suscitait chez eux.
Et un travail d’écriture a commencé à partir de tableaux connus. Certains patient ont souhaité continuer ce travail à distance, il continue en dehors et sur l'heure habituelle, ils continuent à m’adresser leurs textes et nous échangeons.
- Une autre initiative en coursa été la rédaction d’un petit guide du campus à distance. En collaboration avec des psychiatres et psychologues de la clinique, il s’agit de leur proposer des exercices pratiques pour se détendre et faire face aux émotions négatives et des exercices de stimulation cognitive.
J’ai eu l’idée d’associer des fiches pratiques d’"Artherapie à la maison", faisables avec des gestes simples, avec peu de matériel et s'appuyant sur des images de référence choisies parmi des artistes connus, leur proposant de me les adresser à la clinique pour les imprimer.
L’idée est bien entendu d’entretenir du lien, certains patients extrêmement fragilisés par leur maladie sont encore plus isolés socialement. Et certains s’enferment irrémédiablement dans cet isolement.
Portez vous bien, je pense bien a vous et à toute l’équipe des Pinceaux.
Amicalement
......
Marianne Picoche, art-thérapeute à Dijon
Merci pour votre soutien à travers cette idée de mise en commun et de partage des initiatives dans ce contexte de confinement.
Personnellement, j’ai continué à communiquer par sms, ou téléphone avec les personnes que je vois à mon atelier, en libéral. Mais je cherchais justement comment le faire avec les résidents de l’EHPAD où je travaille une journée par semaine, et votre courrier m’a convaincue de mettre en place quelque chose.
Voici la façon dont j’ai procédé pour l’EHPAD (résidents confinés dans leur chambre, aucune personne contaminée à ce jour).
Le point de départ : un courrier en gros caractères.
Après l’avoir proposé à la directrice et en avoir parlé avec l’animatrice (qui sera mon relais), j’ai adressé un courrier aux 10 personnes que j’accompagne à l’intérieur de la structure dans le but de les aider à poursuivre une forme ou une autre de création dans leur chambre, pour les soutenir. Ce courrier comporte des éléments particuliers à chacune/chacun (rappel en quelques mots du matériau qu’ils travaillent, de leur processus créatif), et j’y ai joint la photo d’une production de la personne (qui pourra être affichée dans la chambre, servir de point d’appui à l’animatrice si c’est elle qui doit lire la lettre).
J’ai également joint une petite photo de moi en en-tête pour aider les personnes en difficulté cognitive à m’identifier.
Enfin je leur propose de les appeler au téléphone pour les soutenir dans leur démarches créatives.
Entre les résidents qui n’ont pas le téléphone et ceux qui sont atteints de gros troubles cognitif, ce courrier n’aura peut-être pas beaucoup d’incidences, mais au minimum, c’est un témoin de leur engagement, quelque chose qui peut faire écho pour eux. Pour 4 ou 5 d’entre eux, je me dis que ce courrier pourrait être un moteur, et je les incite d’ailleurs à utiliser le matériel dont ils disposent dans leur chambre.
J’ai également proposé à l’animatrice de prendre les livres de peinture qui sont dans mon placard pour les proposer aux résidents. Je ferai le point avec elle d’ici peu. L’animatrice a proposé par ailleurs aux résidents de dessiner/peindre une/des fleurs dans leur chambre, quand le confinement sera fini, elle les exposera toutes dans le hall d’accueil. Une belle éclosion en perspective !
Bravo pour le blog ! C’est un outil très utile et intéressant pour enrichir l’expérience et la pensée commune.
Mes amitiés à l’équipe des Pinceaux et à mes collègues art-thérapeutes, prenez bien soin de vous.
.......
Sophie Caillard, art-thérapeute/psychanalyste
Merci pour cette belle initiative de partage d’expériences.
Je travaille habituellement dans différents cadres avec la médiation plastique :
- 2 associations en direction de familles fragilisées avec des ateliers destinés à des enfants de 4 à 14 ans,
- 1 institution avec des adolescents autistes (là c’est plus difficile pour moi de proposer quelque chose graphiquement mais je prends des nouvelles).
Pour les enfants et ado dans le cadre des associations, depuis le début du confinement, je propose à chacun de garder le lien par le biais du téléphone avec la proposition de dessiner (ou peindre) avec les moyens du bord. La proposition est d’ouvrir sa fenêtre et d’observer ce qui nous entoure : arbre, toit, rue, ciel (…). puis de partir en voyage graphiquement. Ceux qui le souhaitent peuvent m’envoyer leur dessin par mail. A partir de ce premier dessin, la proposition suivante va pouvoir être d’imaginer les habitant de l’arbres (…) puis de rentrer progressivement dans le monde du minuscule comme si on prenait une loupe pour regarder ou encore de partir en voyage avec un oiseau ou un papillon (…).
Dans le cadre d’une des deux associations : je propose aussi aux enfants (avec l’accord des parents) de parler par téléphone de leur dessin et s’ils le souhaitent de ce qu’ils ressentent du fait du confinement. Je remercie toujours ensuite les parents de la confiance qu’ils m’accordent. Certains parents sont partant pour ces propositions et leurs enfants dessinent, d’autres parents donnent des nouvelles de la famille et de l’enfant, d’autres encore ne communiquent pas (mais je continue à envoyer un petit message).
Très belle journée à vous,
Merci à chacun pour ce partage !
.......
Angèle Meda, art-thérapeute/psychologue, à l’Hôpital Robert Debré.
Merci pour cette belle initiative qui motive et soutient notre travail au quotidien en ces moments difficiles de co-habitation avec Covid 19 !
J'exerce en tant que psychologue-art-thérapeute au centre de la drépanocytose à l'hôpital Robert Debré auprès d'enfants et adolescents. Je viens juste de commencé des ateliers d 'art-thérapie (argile, peinture et dessin) et j'ai eu juste le temps de faire un atelier avec chacun des médium et technique cités.
Voilà que depuis l'annonce du confinement, notre équipe a été réorganisée : les infirmières ont été réaffectées au service de la réanimation (mise à la disposition des patients atteints du Covid) il en est de même pour certains médecins. Nous sommes trois psychologues dans ce centre, et avons toutes reçu l'ordre de notre médecin chef, à rester chez nous : faire du télétravail !
Concrètement, j'appelle les parents dans la matinée et les enfants dans l'après-midi.cela me permet de continuer le suivi, prendre de leurs nouvelles... si nécessaire, réexpliquer le Covid 19, le confinement... si besoin, rassurer...
Pour les enfants qui ont participé à l'atelier, je leur ai proposé de réaliser un objet qui leur fait plaisir, à partir des matériaux dont ils disposent (dessin, peinture, pâte à modelée argile...) NB : à la dernière séance d’argile, deux enfants ont demandé à rentrer chez eux avec un morceau de terre. Nous parlerons de leur productions cette semaine.
Les débuts du confinement et du télétravail ont été très difficile, parce que c'est une nouvelle organisation, un nouveau fonctionnement. Les habitudes acquises sont affectées, dérangées et tout semble déséquilibré. Ne pas sombrer, faire preuve de créativité, partager ses expériences, ses idées, ses pratiques, ses savoir-faire... c'est pour cette raison que je réitère mes remerciements pour cette belle initiative qu'il faut continuer.
Hier, je ne sais pas pour quelle raison, j'ai sorti ma palette de peinture, j'ai fait du "pouring"!
Cordialement
.........
Katia Jacquin, art-thérapeute en institution et en libéral.
En effet, en cette situation particulière de confinement, difficile mais pas impossible, de maintenir un travail d'accompagnement par le biais des médiations plastiques. Cependant, on se pose tous la même question. Comment faire pour maintenir ce lien ?
Pour ma part, je procède essentiellement par mail. J'envoie des propositions d'atelier d'arts-plastiques, je propose de tenir un journal "du confiné" sous différentes formes, des visites de musées virtuelles avec des retours écrits.... J'essaie d'être inventive.
Cependant, autant en institution cela reste possible, autant en activité libérale, il me semble plus difficile de maintenir ce lien. Mes patients étant tous très différents, parfois dans l'impossibilité de communiquer avec des mots.
Ce mail tombe à point et je vous en remercie Patricia. Car je réalise l'importance de rester en lien, en dialogue, en communication avec ses pairs pour pouvoir faire face à cette situation inédite. J'aimerais également connaître les idées, astuces et propositions mises en place par les animateurs d'atelier ou art-thérapeutes.
Contente de savoir que tout le monde se porte bien aux Pinceaux, prenez soin de vous. À très bientôt en attendant des jours meilleurs.
Amitiés
........
Frédérique Charron, art-thérapeute en gérontologie
Intervenant dans des services gérontologiques et USLD (Unité de soins de longue durée) il m'est très difficile de rester en lien avec des personnes qui n'ont pas d'ordinateur et qui n'ont plus la possibilité de décrocher le téléphone. Le confinement est absolu dans ces services.
Je suis seulement en lien avec une personne à qui j’ai proposé chaque jour de m'envoyer une photo et en retour je lui renvoie l'image d'une peinture proche du thème de sa photo.
Faire résonance entre deux images, déposer à travers la photo choisie un morceau de son histoire et aller à la rencontre d'un univers pictural.
Dans les services où j'interviens, travailler autour du lien est une priorité mais ce virus l'a coupé brutalement.
Je pense bien à vous dans cette période de trouble.
........
Dominique Menou, art-thérapeute dans un IME dans les Yvelines.
Depuis le confinement, je reste en lien avec les jeunes et les adultes professionnels (puisque que j'ai aussi un atelier d'expression pour les professionnels) par des vidéos et audios ou je propose un accompagnement sur des ateliers.
J'enregistre mes propositions d'ateliers par exemple sur : les émotions, la difficulté de s'exprimer dans son lieu de confinement, des pensées positives... et je transfère ces séances à un collègue qui a créé un blog pour les jeunes et leur entourage.
Prenez soin de vous.
........
Samia Smail Iseni, art-thérapeute, éducatrice spécialisée en IME, à Bobigny en Seine St Denis.
L'IME dans lequel je travaille est fermé et comme il est recommandé actuellement par le ministère de la santé et des solidarités, nous maintenons le lien à distance auprès des familles et des jeunes que nous accueillons. La consigne de l'établissement est de prendre des nouvelles hebdomadaires par téléphone afin d'assurer la continuité de la prise en charge.
Mais avec une partie de mes collègues très vite nous avons décidé en complément de créer une boîte mail pour pouvoir accompagner les jeunes en faisant des propositions d'activités incluant différents supports audio- visuel, afin d'être reliés le plus directement possible avec nos jeunes.
Pour ma part j'ai proposé l'idée d'une "Mission" à réaliser chaque semaine sur différents thèmes. Il me fallait tenir compte des contraintes liées au confinement. A savoir dans notre cas, des familles très modestes pour la plupart et pour beaucoup d'entre elles ne maîtrisant pas ou peu la langue française.
La première mission actuellement en cours est de fabriquer une marionnette en papier ou en carton d'emballage avec les moyens disponibles à la maison. Nous nous étions rendus à la Nef de Pantin quelques jours avant le confinement pour une présentation de marionnettes que les enfants ont pu manipuler. Nous avions pris des photos avec nos téléphones portables et les jeunes avaient beaucoup apprécié la visite. Nous avions par conséquent du matériel et des "souvenirs" communs à exploiter.
Je me suis mise en situation en réalisant une marionnette chez moi imaginant l'enfant chez lui devant trouver des solutions pour percer le carton avec un crayon pointu et/ou une baguette chinoise afin d'augmenter le diamètre d'un trou par exemple.
J'ai simplement déroulé les étapes en utilisant en début de phrase un verbe d'action : « dessine un rond,..., découpe…,attache... » J'ai accompagné ces consignes par des petits conseils en guidant l'enfant dans sa réalisation. J'ai précisé qu'ils pouvaient se faire aider, et rechercher chez eux les objets dont ils pouvaient se servir en observant ce qui se trouvait autour d’eux. J'ai indiqué pour finir qu'ils devaient donner un nom à leur marionnette et pour finir de la faire bouger et parler s'ils le souhaitaient et même de lui faire une copine ou un copain de leur choix... Enfin, je leur ai demandé de nous envoyer une photo si possible.
Des consignes à la fois larges mais précises présentées par étapes. Une présentation claire et lisible, des petits conseils et une invitation à partager leur création.
Voilà... J'espère avoir apporté ma petite contribution.
Bon confinement à toute l'équipe.
........
Corinne ARIZA, art-thérapeute à l’Hôpital Paul Guiraud, psychiatrie adulte.
Je continue à travailler en mi-temps à l’hôpital dans un atelier partagé avec des ergothérapeutes et des psychomotriciennes.
Nous continuons coûte que coûte à prendre les patients par petit groupe de deux ou trois ou en individuel, qui sont confinés et inquiets. Notre travail a été recommandé et soutenu par tous les médecins de notre unité.
Nous portons des masques, dont ceux que nous avons fabriqués en tissu en attendant d’avoir les « vrais » qui sont enfin arrivés aujourd’hui. Nous désinfectons tout avec des produits après chaque prise en charge. Il y a des collègues qui sont en mi-temps sur l’hôpital et sur des structures externes (CMP, hôpital de jour, CATTP) qui aujourd’hui ne travaillent plus que sur l’hôpital ; c’est pourquoi à partir de cette semaine, nous travaillons une semaine sur deux avec une astreinte.
Le maintien de ces activités est une vraie « respiration » pour les patients, un espace où ils peuvent parler de leur angoisse durant la production ou simplement traduire par des gestes, des graphismes ce qui les préoccupe. Nous avons pu, ainsi que les médecins, constater une amélioration du moral des patients à la suite de la reprise des activités, après une suspension de deux jours le temps que l’équipe sache quoi faire et dans quelle mesure.
Voilà pour ma part ce que je peux vous relater.
Cordialement, bonne inventivité !
............
Marie Perrier-Pichot, art-thérapeute au CATTP de Bagneux.
Un petit témoignage sur le CATTP.
Toute l’équipe s’est organisée, y compris les psychomotriciennes, ergothérapeutes et art-thérapeutes, pour appeler les patients tous les 2 ou 3 jours.
Par ex, j’appelle les patients que je reçois en atelier. Ils sont tous au courant de notre compte Instagram (#cattp_64),sur lequel nous publions des idées de création... on y a relayé le cadavre exquis de Pénélope Baigneur, mais aussi « la grande lessive » sur les fleurs, un atelier d’écriture par semaine, etc...
Bon courage à tous !
............
Carol Duflot, art-thérapeute en Accueil de jour Alzheimer
Vu la brutalité de l'arrêt de nos prises en charge, il fut indispensable de trouver de quoi continuer le lien avec nos accueillis. Je parle d'un des espaces où je travaille en tant qu'art-thérapeute, en Accueil de jour Alzheimer.
L'équipe, dans sa globalité, a crée un "carnet de liaison" via un site accessible et simple pour les familles aidantes et la personne. Dans nos spécificités, chacun a imaginé un atelier avec des consignes, des propositions pour qu'ils poursuivent et développer les créations.
Il y a aussi un contact téléphonique en permanence par la psychologue et l'assistante de la directrice et ergothérapeute.
L'équipe (ergothérapeute, éducatrice, AMP, animatrice ,psychologue, art-thérapeute) à laquelle j'appartiens est très soudée et je dois dire que cela a beaucoup contribué à se sentir moins coupable "d'abandonner" nos personnes et de conserver un esprit créatif et adapté à la situation.
Nous espérons avoir fait ce qui peut les aider et qu'ils sentent que l'espace ET LES INTERVENANTS restent à leurs écoutes.
Je suis aussi rassurée que vous alliez tous bien.
...........
Roch Neetens, art-thérapeute en hôpital psychiatrique
A Manet/Corot... 3ème secteur
Déclaré Covid-19
Des soignants en arrêt
Certains malades
Des patients en chambre fermée
Soit malade
Soit premiers symptômes
Obligation de faire appel aux autres secteurs
pour venir en aide
Je suis là cette semaine
Après un confinement d'une autre semaine
L'atelier continue
Ambiance particulière
Nous sommes dans l'urgence et en même temps
dans un temps suspendu flottant.
Bien à vous et à bientôt
............
Le réseau s'élargit et nous recevons aussi des courriers d'autres art-thérapeutes
Caroline Sammut, art-thérapeute intervenant dans différentes structures
Tout d’abord je tiens à vous remercier pour cette invitation à partager, à faire du lien dans nos pratiques ; c’est tellement précieux.
Les semaines passées nous avons tous du faire face à une situation inédite, demandant investissement et organisation sur le plan professionnel et personnel.…
Mes premières réactions ont été de l’ordre du refus, puis de la sidération face à ce qui se passait. Je suis restée dans un long moment de flottement…
Le temps nécessaire pour intégrer que les conditions actuelles ne nous permettaient pas d’exercer notre activité d’art-thérapeutes avec notre médiation arts plastiques comme de coutume, et que nous ne pouvions estimer à quel moment nous pourrions redémarrer les ateliers… Le temps nécessaire aussi pour accueillir les émotions qui me traversaient.
Alors comment continuer, comment accueillir quand on est soit même en difficulté face à l’impensable ??
En tant que thérapeutes, la question principale était bien de maintenir le lien avec les personnes que nous accompagnons. Le maintenir autrement, le réinventer.
Rester en lien, par la pensée, qui soutient. Mais la pensée ne suffisait pas.
Proposer une consigne ? J’avais peur de la confusion des espaces. Confusion dans laquelle j’étais moi-même projetée de par le confinement et « le travail à la maison » de toute la famille. Espace thérapeutique vs occupationnel, espace professionnel vs personnel...Les limites me semblent encore plus floues dans cet espace-temps singulier…
Se posait également la question des intermédiaires. Celle des outils de communication mais également celle des parents, des institutions… qui se recentraient bien naturellement dans un premier temps sur des préoccupations autres que la question des ateliers. J’interviens en effet dans différents lieux, et je suis plus ou moins en capacité d’échanger directement avec les personnes que j'accompagne…
Passer par un écran ? Je m’y suis refusée. Dans l’atelier il y a de la corporéité, de l’agir, du faire plastique… Je n’arrivais pas à me projeter dans cette mise à distance.
Et puis j’étais submergée par toutes ces autres propositions qui me parvenaient, notamment des réseaux sociaux. J’étais figée alors que d’autres étaient mouvement. Je me sentais inutile et incompétente.
La situation était - et reste - complexe. Je me suis recentrée, organisée, progressivement, au rythme de mon acceptation.
Après une semaine, je me suis remis doucement à penser et à faire, aidée et portée par les échanges d'un travail en équipe. J’ai la chance de travailler notamment avec d’autres art-thérapeutes et une psychologue avec lesquelles j’ai pu élaborer et avancer. Le travail d’accompagnement en supervision a soutenu également cette pensée. Encore une fois c’est précieux.
Dans le cadre des ateliers d’art-thérapie, que je mène en co-animation avec une autre art-thérapeute, nous avons donc proposé assez vite notre soutien et notre écoute. De façon pratique nous prenons des nouvelles de tous. Nous proposons plus particulièrement des rdv téléphoniques afin d'échanger de vive voix avec les personnes suivies, et en nous adaptant aux possibilités de chacun, nous proposons ensuite des pistes de travail avec la médiation. Les retours des participants et des familles sont globalement très positifs. Nous échangeons régulièrement entre nous et essayons de rester créatives et de nous adapter au mieux pour les bénéficiaires des ateliers.
Dans le cadre des ateliers d’expression, afin de ne pas mettre de côté toute la créativité et garder le lien, j’ai proposé un projet « Hors les murs ». Projet que je vais décliner dans les différents espaces où j’interviens afin de ne pas trop multiplier et complexifier le travail d’accompagnement distance. Nous avons décidé qu’il soit repris également par l’art-thérapeute qui propose des ateliers d’expression dans la même association que moi. L’idée étant de renforcer ce sentiment d’être ensemble pendant cette période particulière. Chaque semaine, les participants seront invités à réaliser un ou plusieurs dessins à partir d’une consigne simple. Ils pourront envoyer ensuite les photos de leurs créations qu’ils devront garder précieusement pour une exposition quand nous pourrons tous nous retrouver.
Dans les autres espaces où je n’ai pas encore trouvé, mis en place toutes les solutions, j’envoi de manière régulière l'image d’un travail d’artiste en « pensée créative ». Signifiant ainsi ma présence et mon soutien.
Je suis maintenant dans un agir dans lequel je module les interventions… Je suis au travail. Je sème des graines, espérant que le lien continue de se tisser.
Vous souhaitant à tous énergie et courage pour cette période particulière.
Prenez soin de vous et de vos proches.