Accompagner dans le soin
Le retour au soin
Deux soignants, un art-thérapeute et un psychiatrie, interrogent les modalités actuelles de l'accompagnement et affirment plus que jamais une éthique du soin.
Alain Foujanet, art-thérapeute, éducateur spécialisé de formation, intervient auprès d'adolescents et de jeunes adultes autistes en hôpital de jour.
Réforme du financement de la psychiatrie : ne soignez plus, faites du chiffre !
Pour les gouvernements successifs depuis 1995, l’hôpital doit être « géré » comme une clinique privée à but lucratif. Il doit produire des « actes », des « séjours », des « durées moyenne de séjour ». Il ne soigne plus des patients mais des « files actives » : nombre total de patients soignés au moins une fois dans l’année. Les diagnostics sont codés et correspondent eux-mêmes à des sommes d’argent. Tous les éléments chiffrés se traduisent dans une somme d’argent. Le « codage », rentrée des données dans l’ordinateur par les soignants, permet d’évaluer la « rentabilité » de celui-ci.
Voilà ce qui nous attend dans quelques mois, ce qui implique une toute nouvelle orientation de travail. Jusqu’à maintenant les jeunes personnes autistes reçues à l’hôpital de jour Santos Dumont y restaient pour de longs séjours pouvant aller jusqu’à dix ans. Le temps de prendre soin de chacun et de définir un projet cohérent avec le jeune et sa famille. Nos pratiques tournées vers des actions créatives donnaient la place à chacun dans la mesure des ses moyens. Avec la nouvelle tarification, les jeunes bénéficieront d’un parcours très court, plus nous ferons d’actes plus nous aurons de budget pour fonctionner.
Dans les ateliers plastiques que j’anime il faut du temps, du temps pour se connaitre, du temps pour oser laisser une trace sur une feuille, du temps pour s’y exprimer, du temps pour rire et vivre ensemble ses moments de création.
Comment chiffrer un travail d’art thérapeute, sa rentabilité, quand celui-ci prend son temps ?
Apparemment le temps qu’il faut prendre à la rencontre et au soin psychique n’est pas compatible avec le chiffre. L’hôpital de jour qui accueil des patients autistes n’est pas une entreprise ordinaire, mais un lieu de vie vers l’avenir, vers la "vie d’adulte" comme disent certains jeunes, et ce n’est pas en les recevant une fois par semaine que nous pourrons le travailler. Ce n’est pas en les recevant une fois par semaine que nous pourrons travailler de façon créative le soin au travers de nos ateliers peinture, danse, théatre, musique…
Cette réforme de la psychiatrie ferme définitivement la porte à cette manière de travailler, de penser, de chercher, de créer avec le patient ce qui est le plus adapté pour lui et sa famille.
Voici les liens vers deux petits films que nous avons réalisés avec toute l'équipe pendant le confinement :
https://www.instagram.com/tv/CASa13oCyPI/?igshid=11ash8ydjci98
https://videos.files.wordpress.com/CourBRWZ/la-reforme-du-financement-de-la-psychiatrie-1_hd.mp4
En ce moment, nous essayons de travailler sur un autre film avec les jeunes pour répondre aux danseurs de l'opéra !
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La psychiatrie confinée
https://lundi.am/La-psychiatrie-confinee
Entretien avec Mathieu Bellahsen, psychiatre dans le service public, paru dans lundimatin#244, le 25 mai 2020.
Mathieu Bellahsen revient sur l’exercice de la psychiatrie durant le confinement et insiste notamment sur le fait que la « psychiatrie confinée » est une nouvelle antipsychiatrie, reprend des éléments des discours sécuritaires, du système asilaire et de la médecine hygiéniste. Il discute également de la colère des soignants et de leurs luttes en cours et à venir.
Il est l’auteur de La santé mentale aux éditions La Fabrique et de La révolte de la psychiatrie avec Rachel Knaebel aux éditions La Découverte.
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