Nous avons adressé ce courrier aux art-thérapeutes diplômés des Pinceaux
jeudi 26 mars 2020 - 11ème jour du confinement
Bonjour à tous,
Nous espérons que vous allez bien et que vous prenez bien soin de vous et des vôtres. Dans cette période étrange assurer la continuité d'un accompagnement art-thérapeutique devient très difficile... mais pas toujours impossible.
Nous aimerions connaître les petites (ou grandes) actions que les art-thérapeutes ou animateurs d'ateliers d'expression, s'étayant sur leur créativité à toute épreuve, tentent de mettre en place sur le terrain, dans les secteurs de la prévention, l'accompagnement et le soin. Merci beaucoup de vos réponses !
Aux Pinceaux on se porte bien, on s'efforce d'assurer la continuité du travail qui nous tient tant à cœur.
Amitiés à tous, Patricia Riverti et l'équipe des Pinceaux
Et voilà les réponses !
Coline Irwin, directrice pédagogique de crèche, artiste, co-fondatrice de Peekaboo, ateliers de créativité
C’est vraiment important de maintenir du lien avec les personnes que nous accompagnons ET de continuer à réfléchir à nos pratiques qui se transforment pour qu’elles continuent à avoir du sens. Merci beaucoup pour cette belle initiative.
La question se pose aussi pour moi avec les familles des crèches et du jardin d’enfants Nurserine & Bloom. L’un des enjeux est pour moi comment transmettre par biais "imposé" des écrans l’importance de la relation dans le « vrai ».
J’invite au fil des jours, des semaines, à des explorations sensibles à la maison : recherche d’ombres et de lumière, partage de musiques qui nous font nous sentir vivant, incitation à observer son enfant dans ses jeux et explorations, … Comme toujours, je privilégie plusieurs entrées et je fais confiance au temps.
C’est une opportunité intéressante de travailler le lien profesionnel.le.s-enfant.s-parent.s car dans le quotidien nous sommes en grande partie très centrés sur la relation directe avec l’enfant.
Ce qui est fort aussi pour nous professionnel.le.s c’est de recevoir les témoignages écrits de parents qui nous disent combien le fait de nous avoir observé travailler (car ils ont la possibilité, quotidiennement, de rester dans les structures aussi longtemps qu’ils le souhaitent) leur permet durant cette période de confinement d’accompagner leurs enfants plus sereinement, en observant, et en réinvestissant notre façon de travailler pour trouver des solutions face à des situations de conflits, de frustration, d’émotions débordantes.
Toujours, on s'ajuste, toujours, on est créatif.
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Laure Cheny, art-thérapeute et professeur d’arts-plastiques.
Ici, je suis déroutée tous les jours, ma créativité est en permanence mise à l'épreuve d'un réel inédit.
Je suis enseignante dans un collège de banlieue, dans lequel les élèves sont en très grande difficulté scolaire. C’est pour moi l'occasion de les découvrir autrement, je vais de surprises en surprises.
Je travaillais déjà autour de l'expression personnelle : «quels sont les moyens dont on dispose pour montrer ce que l'on ressent dans les images ?» (on est là dans les objectifs de prof), au vu des circonstances je maintiens cette approche, et j'ouvre sur des techniques qui sont à disposition chez eux, les techniques numériques : photo, dessin numérique (Gimp) et travail d'animation (Flipaclip). Ils maîtrisent tout cela sans doute mieux que moi... et s'en emparent discrètement mais surement. J'encourage les élèves à la débrouille, à l'utilisation des moyens du bord ; je le pratiquais déjà en classe, dans le discours mais ils trouvaient toujours quelqu'un avec le matériel pour compenser et remplir le manque... ce n'est plus le cas chez eux.
Je découvre leur mobilisation, j'ai beaucoup de retours, ils posent des questions par mail ou équivalent, ils envoient leurs réalisations. Ils se montrent véritablement investis pour questionner, faire, produire des images. Ceux qui investissent l'espace des arts plastiques disent en avoir envie, besoin aussi, ils luttent contre l'ennui, étonnamment ils m'en parlent en ces termes-là : "ça occupe".
J’avais hésité à leur proposer du travail... mes élèves doivent s'engager dans les disciplines essentielles, c'est juste... mais ils me montrent qu’ils trouvent comment investir les propositions d'arts plastiques de leur domicile, c'est qu'ils y trouvent des ressources importantes pour eux. Alors je leur fais des propositions et j'accueille ceux qui s'en emparent et je les encourage, et j'accepte que certains les déclinent, je renonce aussi aux notes qui mettent en échec.
Forte de ces idées, je me suis risquée à leur proposer autre chose : ce que j'ai appelé "le défi patate" - hors de toute ambition scolaire- juste envie de faire quelque chose loin et ensemble à la fois, et annoncé sans évaluation. Je leur ai demandé de faire de la sculpture sur patate et je ne m'imaginais pas recevoir autant de réalisations, émouvantes, élaborées, libres si variées. Je ne résiste pas à la tentation de vous en montrer quelques-unes... Quel bonheur, surprise de découvrir que la patate est un matériau !!!
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Isabelle Chevallier, art-thérapeute, animatrice d'ateliers d'écriture
Merci pour votre mail et tous ces témoignages qui constituent en effet une "matière" à partager. Je suis heureuse de savoir que l'équipe des Pinceaux se porte bien.
Je n'ai pas actuellement de patients en art-thérapie, mais je me suis posé la question de la faisabilité de l'art thérapie dans les conditions que nous vivons actuellement... un nouvel éclairage sur la question de la "distance"?!
Pour mes ateliers d'écriture j'ai souhaité conserver le lien et même le développer, avec des outils non utilisés jusqu'à maintenant :
J'ai animé un atelier d'écriture avec 3 participants, et aussi participé à mon cours de dessin en utilisant l'appli '"Go to meeting".
Expérience concluante, l'intérêt étant que nous pouvons échanger en audio et en visuel simultanément.De mon point de vue petit nombre recommandé car cela demande énormément de concentration.
J'envoie une proposition d'écriture chaque matin. Une à deux fois par semaine je complète la proposition d'écriture par une suggestion d'activité d'expression plastique. Toujours en lien avec un écrivain ou un artiste. Quelques exemples :
- Faire le tour des possibles : écrire tout ce qu'on peut faire avec ses mains (poème, dialogue;,etc) faire le tour de sa main, la cartographier...
- Une fenêtre sur les mots : de chez vous, que voyez-vous par la fenêtre ?, ouvres vos fenêtres !...
- Les mots en couleur : "jaune" sera donc le point de départ, écrire par association d'idées, faire un mandala végétal...
- Partez à la recherche des empreintes : partir à la découverte de son environnement, observer... puis relever des empreintes au crayon ou au pastel...
Certains participants postent leur texte dans la zone commentaire de mon blog (mais pas d'obligation).
Je serai ravie d'échanger et de participer à toute initiative permettant de développer les outils pour continuer à accompagner ceux qui en ont besoin.
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Et aussi le témoignage de Nicole de Bellefroid, art-thérapeute, en tant que participante à un atelier de modelage.
Je vais de temps en temps un atelier de modelage. C'est une bulle d'air pour moi.
L'animatrice a pris une initiative que je trouve sympathique : chaque jour, elle nous envoie un fichier word avec une consigne pour une création qui doit prendre 30 minutes :
- il s'agit de réaliser une production sur un support de 10 x 10 cm,
- les consignes portent sur le thème, la technique ou des formes,
- au fur et à mesure, nous envoyons une photo par whatsapp ou mail et toutes les œuvres se trouvent sur facebook,
- et nous mettons nos œuvres sous enveloppe, lorsque nous seront "libérés" du confinement, nous enverrons nos œuvres par la poste (il faut voir si c'est une bonne idée car elles peuvent être infectées...?) et elle organisera une grande mosaïque dans son atelier.
- le tout clôturé par une fête.
Ce que ça apporte, c'est que cela crée ou entretient du lien entre les personnes, c'est joyeux. Cela permet aussi à chacun d'entretenir sa fibre créatrice. Ce que j'aime bien aussi c'est qu'elle rassemble des personnes qui ne se connaissent pas et qui sont très différentes les unes les autres. Il y a une grande ouverture. On apprécie la simplicité de la démarche.
Si vous voulez suivre cette initiative, je vous invite à la contacter. Elle s'appelle Brigitte Panne. Son mail est : brigittepane2@gmail.com.
Voilà pour les initiatives dont j'ai connaissance. Je vous les adresse en toute amitié.
Restons chez nous mais restons en lien.
Bien amicalement.
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Alain Berthon, plasticien, art-thérapeute
Et bien, moi je commence à voir des petites idées émerger, il faut un petit moment pour que l’esprit s’adapte à de nouvelles conditions, imagine de nouveaux processus…
J’ai déjà proposé aux adhérents de mon association de détourner des attestations dérogatoires de déplacements, de customiser des flacons d’alcool hydroalcoolique …. Transformer quelque chose de limitant en autre chose…
J’ai ainsi ouvert la page facebook de notre association pour que tout type de création puisse y être publié.
J’ai proposé aux différents organismes avec qui je travaille, que les patients puissent avoir un entretien avec moi par tel ou Skype, voir à plusieurs, pour poursuivre nos séances. J’ai des réponses. Je vais créer une page facebook sur méditation et art thérapie, que j’appelle aussi Immobilité sereine et Action joyeuse, afin de partager des conseils sur la méditation et des approches picturales.
On s’adapte comme un peu à ce monde bizarre bizarre…
Merci pour ces partages !!